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J'ai glissé, Chef !!! Quand le besoin d'ouvrir ma gueule devient + que vitale...
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6 juillet 2011

Dans quelles conditions un adjudant démineur

Dans quelles conditions un adjudant démineur français a-t-il perdu la vie le 22 novembre 2008 en sautant sur une mine en Afghanistan, tandis que l'un de ses camarades perdait une jambe sur un autre engin explosif ? Officiellement, tout est clair. Dans le communiqué diffusé par la présidence de la République, Nicolas Sarkozy dénonce "le piège meurtrier par engin explosif tendu à une patrouille française". Son ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner fustige, quant à lui, les "lâches pratiques des ennemis de la paix". Le seul problème, c'est qu'il n'y a eu dans cette affaire ni "piège meurtrier" ni "lâches pratiques". L'affaire est plus simple, ce qui ne la rend pas moins tragique... 

Lundi, Maître Elodie Maumont, l'avocate d'un adjudant qui se trouvait sur place lors de ces accidents a déposé plainte contre X auprès du procureur du tribunal aux armées de Paris, pour "atteintes involontaires à l'intégrité de la personne". Souffrant d'une "névrose de guerre imputable au service", ce sous-officier, que Le Point a rencontré en présence de son avocat et du colonel Jacques Bessy, président de l'ADEFDROMIL (Association de défense des droits des militaires) qui s'est associée à sa défense, estime que les accidents ne se sont pas produits par hasard, que ses avertissements lancés plusieurs semaines avant les faits n'ont pas été entendus, que des fautes ont été commises par le commandement et que des poursuites doivent être engagées contre lui. Voilà un cas d'école de la "judiciarisation" de la vie militaire...

Zone interdite à toute activité

La zone dans laquelle se sont produites les deux explosions quasi simultanées était parfaitement connue du commandement français. Autour du camp de Darulaman, à une dizaine de kilomètres de Kaboul, des dizaines de munitions datant de l'époque de l'invasion soviétique ont été repérées autour d'un ancien observatoire russe. Le 23 octobre 2008, le chef de corps de l'OMLT, le colonel A., émet une note de service signée de son adjoint, par ordre. Elle est explicite : "De très nombreuses munitions jonchent le sol dans cette zone. La mort d'un chien aux abords du BTR 70, le 10 octobre 2008, a entraîné une interdiction totale de zone. Suite à la reconnaissance 200 mètres effectuée par les sapeurs ANA et leurs mentors, seuls la piste d'accès et le champ de tir (parking et zone entre les deux buttes de tir) sont autorisés. La zone est matérialisée par des pierres peintes en rouge." Jusque-là, rien que de très normal. 

Plus étonnante est la note de service - que l'on appelle dans le langage de l'Otan un FRAGO (Fragmentation Order) - émise trois semaines plus tard. Celle-ci, le FRAGO 5788, organise le "Dubs Challenge", séance de confirmation des acquis de la relève montante, c'est-à-dire les remplaçants des militaires présents sur place depuis six mois. Que dit cette note, toujours signée du colonel A. ? Tout simplement que : "La zone au sud-ouest du camp est interdite à toute activité. Le Dubs Challenge sera organisé dans cette zone à compter du 28 novembre." Et d'ordonner que deux "minex" aillent reconnaître les lieux où seront installés les "ateliers".

Une mission impossible

Trois adjudants-experts partent exécuter la mission : W. en est le chef, assisté de P. et de Nicolas Rey, bientôt rejoint par le capitaine C.. Dans sa plainte, P. explique qu'ils ont ensemble suivi un itinéraire à pied "reconnu comme sûr" pour "essayer de déterminer les limites de la zone minée" dans laquelle le commandement veut organiser le challenge. Les démineurs repèrent quelques mines, avant de comprendre "qu'ils se retrouvaient pris dans un champ de mines antipersonnel datant de la présence soviétique en Afghanistan. Il a été décidé d'un commun accord d'arrêter la mission de reconnaissance." Mais les choses tournent au drame. L'adjudant W. se retourne, fait un pas de côté et marche sur une mine antipersonnel. Il perd une jambe... Tout proche de l'explosion, "l'adjudant Rey, particulièrement choqué et désorienté, s'est alors assis sur une mine antipersonnel non repérée et son corps a été pulvérisé."

L'adjudant P. est l'un de ces sous-officiers d'aujourd'hui. Ce Franc-Comtois râblé et volubile de 37 ans est entré dans l'armée de terre par passion, après une préparation militaire parachutiste. Il y cherchait une forme d'engagement personnel, des défis à relever, une sorte de famille, aussi, à rejoindre. Bachelier, ayant suivi des études scientifiques jusqu'au deug, il est entré dans l'arme du génie, y est devenu démineur avec la qualification Minex 4. Pour devenir Nedex, le sommet de cette spécialité, ne lui manque que la qualification IEEI (Intervention sur engins explosifs improvisés). Affecté au 13e régiment du génie de Valdahon, il est volontaire pour une mission OMLT de six mois en Afghanistan. L'armée de terre n'y accepte que les meilleurs pour assurer la formation du 201e corps de l'armée nationale afghane.

Un rapport qui pointe les dysfonctionnements

En juin 2008, il arrive à Darulaman où il retrouve d'autres spécialistes de plusieurs unités du génie. Dès son arrivée, il perçoit des incohérences dans la lutte anti-mines de l'OMLT, qu'il dénonce dans un vigoureux rapport transmis à sa hiérarchie en octobre. À ses yeux, l'accident du 22 novembre est le fruit de ces multiples dysfonctionnements. Il estime que les raisons de la mort de son camarade et les graves blessures physiques et psychiques que les autres participants à la mission ont subies ne sont à chercher nulle part ailleurs.

Ce drame du 22 novembre "n'est pas lié à des combats en Afghanistan ou à un piège tendu par les insurgés, mais en réalité à de graves manquements commis par l'autorité", regrette-t-il dans sa plainte. En regrettant ensuite que l'enquête de commandement se soit traduite par de "fortes pressions psychologiques" exercées sur lui durant trois jours par le colonel R. (chef des OMLT en Afghanistan), son chef de corps le colonel A. et le commandant T. En affirmant que "tous ont tenté de dissimuler la vérité", il reproche en substance à sa hiérarchie d'avoir négligé son statut de victime et d'avoir été par la suite "purement et simplement ignoré par le commandement", laissé seul face à ses souffrances.

Contacté par Le Point, le colonel A. n'a pas souhaité nous faire connaître son point de vue en faisant valoir qu'il ne saurait s'exprimer alors qu'il est cité dans la plainte de l'adjudant P.

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